Ex-salarié, Claude Guicheteau a retracé l’histoire de cette entreprise qui vendait sur les cinq continents et qui a marqué la vie de tout un quartier.
C'est l'histoire d'un industriel niortais dont les machines étaient connues au Japon comme en Inde. Un industriel qui jusque dans les années 1980, entre la rue Gambetta et la Sèvre, a marqué la vie de tout un quartier. Un homme, Claude Guicheteau, a été aux premières loges de cette histoire.
Salarié de la Ramo durant trois décennies (entre 1977 et 2008), un temps secrétaire du comité d'entreprise, il retrace cette aventure économique dans le dernier bulletin de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres : « Une histoire typique de l'industrie de la machine-outil française, faite d'incompréhensions, de guerres, de délaissements, d'enthousiasme, de sursauts et finalement de disparition.»
Le banquet de la Saint-Éloi
« Je suis quelqu'un qui aime beaucoup garder les documents d'époque », sourit-il. Il a revu d'anciens collègues, rencontré des témoins ou leurs descendants, épluché les archives publiques et privées. Le résultat : près d'un siècle résumé en 274 pages d'analyses, de chronologies, de photos.
Toute une vie ressurgit. Comme ces banquets annuels pour la Saint-Éloi, patron des mécaniciens, qui réunissaient tout le personnel au restaurant « La Belle Étoile » dans l'ambiance bonne enfant et paternaliste de l'époque.
Au menu de 1953, langoustines mayonnaise, pâté maison, matelote d'anguilles, poulet sauté, gigot d'agneau, baba au rhum, café-cognac...
La guerre Iran-Irak
Les machines-outils fabriquées par la Ramo ont été exposées à la foire internationale d'Osaka au Japon en 1962. L'industriel a exporté au Mexique et lors de la guerre Iran-Irak en 1982-1983, elle a fourni aux fabricants de munitions les machines qui usinaient les culots de douille.
« Entre 1952 et 1983, les tours Ramo ont été présentés dans 160 foires-expositions dans le monde. Les tours ont été livrés dans 84 pays sur les cinq continents », rappelle Claude Guicheteau.
" Il n'y avait plus de politique d'investissement "
Et puis, c'est la chute. Un premier dépôt de bilan en 1983. « Depuis de nombreuses années, il n'y avait plus de politique d'investissement. Le parc machine avait une moyenne d'âge de 17 ans. Son obsolescence est une des raisons majeures du dépôt de bilan », analysent alors les repreneurs. S'ensuit une série de reprises et de rechutes mais au final, la Ramo ne s'en remettra jamais, jusqu'à la liquidation de 2002, une activité se prolongeant à Fontenay-le-Comte jusqu'en 2009.
Entremps, le site historique de la rue Gelin a été vendu. Sur les terrains, des promoteurs ont bâti la résidence de la Mégisserie et la résidence du Bocage Saint-Jean. Sans qu'aucune trace laisse aujourd'hui imaginer dans ce quartier de petites maisons, à deux pas de l'église Saint-Étienne et du Moulin du Roc, qu'il y a 30 ans tournait une usine.
Dates clés
- 1912. Création de la société Guillet et Deruaz dans les Ardennes
- 1917. L'entreprise devient la SAOCM, société ardennaise d'outillage et de constructions mécaniques
- 1938. Pour se mettre à l'abri d'un éventuel conflit avec l'Allemagne, la SAOCM se délocalise à Niort
- 1953. Jules Jeanneret devient PDG. Il le restera jusqu'en 1973. La SAOCM devient la Ramo (Réalisation d'appareils et de machines-outils).
- 1964. L'effectif dépasse les 200 salariés
- 26 avril 1983. Dépôt de bilan. 200 personnes sont licenciées à Niort et 14 à Paris
- 1984. Reprise de l'activité et création de la Société Nouvelle Ramo
- Août 1987. Vente des terrains occupés par l'usine dans le quartier Gambetta
- Avril 1991. L'usine est rasée. La SN Ramo est installée à Mendes-France
- 1992-2002. Plusieurs dépôts de bilan et reprises se succèdent. Liquidation judiciaire en 2002 de la société Ramo Industrie
- 2008-2009. Une activité se poursuit à Fontenay-le-Comte (sud-Vendée).